HOMELIE DU DIMANCHE 19-02-23 par Dominique, diacre

19 février 2023 – Tu aimeras ton ennemi

On pourrait presque baptiser ce dimanche, “dimanche de la non-violence” ou de la “non-
haine”.
Nous accueillons la suite du sermon sur la montagne. Rappelons-nous, dimanche dernier
Jésus nous disait déjà : “On (c’est-à-dire la Loi de Moïse) vous a dit,… moi, je vous dis…”
Le passage d’aujourd’hui en est la continuité, avec, comme clef de lecture cette phrase de
Jésus : “Je ne suis pas venu abolir la loi, mais l’accomplir”. En effet, par toute sa vie, Jésus a
mis en actes ces préceptes et commandements. Je trouve cela très beau comme idéal, mais
ça me percute de plein fouet, car je n’ai pas un caractère à tout accepter, tout endurer sans
réagir. Quand on me fait du tord, je n’ai pas envie d’en réclamer deux fois plus.
“Ne pas riposter au méchant”, d’accord, mais tendre l’autre joue quand on me donne une
gifle, alors que je ne l’ai pas méritée, …j’ai du mal à comprendre pourquoi. Cela ne risque-t-il
pas d’encourager l’agresseur à persister dans son erreur ?
Faire 2000 pas avec celui qui en demandait 1000, donner à celui qui demande et ne pas
s’enfuir si quelqu’un veut m’emprunter, …c’est à ma portée, et nous le faisons tous à un
moment ou un autre. Mais aimez nos ennemis… Je me vois mal aller dire cela aux ukrainiens,
aux palestiniens, aux iraniens et à tant d’autres populations opprimées de par le monde.
Alors, qu’est-ce que Jésus veut me dire, veut nous dire par ce texte aujourd’hui ? Serait-ce
une invitation à la sainteté ?
Dans le Livre des Lévites, Dieu dit à Moïse : “Soyez saint, car moi, le Seigneur votre Dieu,
je suis saint”. Et Jésus, de conclure son propos en disant : “Soyez parfaits comme votre Père
céleste est parfait”. Tout un programme. Mais est-ce à notre portée ? Nous sommes
tellement conscients de tout le chemin qu’il nous reste à faire pour y arriver qu’on pourrait
être tenté de renoncer à essayer. Mais gardons courage, c’est surtout le premier pas qui
compte. Ce que nous demande Jésus est un idéal à se donner, un but à rechercher, un
sommet que nous n’atteindrons qu’au prix de beaucoup d’efforts. Et nous progresserons
d’autant plus que nous consentirons à être, comme le dit Saint Paul, le Temple de Dieu, et
donc à laisser son Esprit habiter en nous. Ce qui est impossible pour nous est possible pour
Dieu. Faisons ce qui est possible pour nous, Dieu nous aidera à aller plus loin.
Il n’empêche que cet Evangile nous interpelle drôlement.
Jésus inciterait-il à subir passivement l’humiliation, le non-respect, le vol, la violence; à
accepter en silence l’exploitation, la ségrégation, la sélection en fonction de la nationalité;
devrais-je supporter sans rien dire la casse de tous les droits acquis par l’action de plusieurs
générations de militants ? Et faudrait-il de surcroît, en redemander ?
Pourtant, le Christ lui-même n’a pas cessé de réclamer que justice soit faite, que chacun
soit respecté, quelque soit sa situation, etc…
Ce qui me semble clair, mais je peux me tromper, c’est que Jésus ne nous demande pas
d’avoir de l’affection pour ceux qui nous voudraient du mal, Il nous demande de les aimer,
c’est-à-dire de ne pas avoir de haine envers eux, mais de parler avec eux pour qu’ils
s’expliquent, de prier pour eux afin qu’ils se convertissent. Il s’agit de lutter contre les
injustices, sans haïr ceux qui sont à l’origine de ces injustices. Bien sûr, ce n’est pas facile,
c’est même très difficile pour moi. Et c’est justement là que la force de l’Esprit de Dieu peut
nous aider à progresser.
Ecoutons ce qu’écrit le Pape François dans Fratelli tutti, au § 241, intitulé “Les luttes légitimes
et le pardon” “Il ne s’agit pas de proposer un pardon en renonçant à ses droits devant un
puissant corrompu, devant un criminel ou devant quelqu’un qui dégrade notre dignité. Nous
sommes appelés à aimer tout le monde, sans exception. Mais aimer un oppresseur, ce n’est pas
accepter qu’il continue d’asservir, ce n’est pas non plus lui faire penser que ce qu’il fait est
admissible. Au contraire, l’aimer comme il faut, c’est œuvrer de différentes manières pour qu’il
cesse d’opprimer, c’est lui retirer ce pouvoir qu’il ne sait pas utiliser et qui le défigure comme
être humain.”

 Autre porte d’entrée pour la compréhension de ce texte : je crois qu’il faut se souvenir
que Jésus est un oriental qui parle à des orientaux, avec un style de langage qui leur est
propre. Ceux qui entendaient Jésus n’étaient sans doute pas dérangés par ce message
comme nous pouvons l’être, car il en percevaient le sens et ne s’arrêtaient pas à la forme.
Une expression qui force le trait, qui exagère volontairement pour mieux faire passer le
message. L’écrit n’existait que très peu, et ils avaient besoin de procédés comme celui-ci
pour transmettre et mémoriser.
D’ailleurs, lors de sa Passion, quand un des serviteur du grand-prêtre le gifle, Jésus ne lui
tend pas l’autre joue. Pourquoi ?… Il ne riposte pas, mais il interpelle son agresseur en lui
demandant de se justifier; il l’invite à se remettre en cause et à changer son comportement
violent.
Ce que je voudrais retenir de ce passage d’Évangile, c’est que Dieu est Saint, et que si je
veux être son enfant, je suis appelé à tendre moi aussi vers cette sainteté dans toutes mes
paroles et tous mes gestes quotidiens.
Vivre l’amour tel que Jésus nous le demande est une attitude courageuse qui nous permet
d’agir de façon constructive pour l’avènement d’un monde de paix, de justice et d’amour.
Avec le risque de passer pour des fous. Mais c’est la seule attitude qui donne des résultats à
long terme. Pensons à Gandhi, à Martin Luther King, à Dom Elder Camara, à Jésus lui-même,
et à tant d’anonymes de notre communauté, de notre quartier, de nos lieux de vie
quotidienne.
 
Nous connaissons, Seigneur, nos faiblesses, mais nous croyons que tu peux faire de
grandes choses à travers nous si nous nous remettons entre tes mains, si nous ouvrons
grand notre cœur et notre intelligence à ton Esprit.