Extraits du discours de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, Lourdes le 8 novembre 2022


« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » : cette
phrase qui ouvre l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, « La joie de l’Évangile », du
pape François, nous a habités, nous évêques, alors que nous nous réunissions. Nous avions,
jeudi dernier, le cœur lourd, remplis de sentiments mêlés ; nous étions douloureux de vous
savoir, frères et sœurs, meurtris, en colère, bouleversés, doutant de nous et de notre volonté
réelle de sortir de la culture qui a permis les abus et les a couverts. Nous savions la déception
des personnes victimes qui avaient décidé l’an passé de nous faire confiance. Or, la joie de
l’Évangile, c’est elle que nous voulons servir, c’est elle que nous voulons partager à tous,
c’est pour la rendre accessible à tous que nous avons engagé notre vie. Nous sommes humiliés
de constater que des actes de certains de nos frères, prêtres et évêques, et la manière dont ces
actes ont été traités entre notre structure ecclésiale en France et jusqu’au Saint-Siège
provoquent de la tristesse, de l’incompréhension, du dégoût, et empêchent beaucoup de vous
de goûter la joie pure et rajeunissante de l’Évangile du Christ. Nous sommes conscients que
ces fautes personnelles de tel ou tel nous renvoient tous à nos insuffisances, à nos médiocrités,
à nos manquements à la charité, à la justice, à la bonté, à la vérité, manquements qui entachent
notre ministère et vous privent parfois, – et une fois, c’est trop-, de connaître le Christ Jésus
d’un cœur sans partage. Nous voudrions tant que vous puissiez vivre paisiblement
l’expérience des premiers disciples de Jésus, telle que nous la rapporte l’évangile selon saint
Jean : « Venez et vous verrez ». « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent
auprès de lui ce jour-là. » (Jn 1,39). Nous voudrions tant que beaucoup d’autres puissent la
goûter.
[…] Nous professons dans le « Je crois en Dieu » : « Je crois à l’Église une, sainte, catholique
et apostolique ». Cette formule liturgique peut choquer aujourd’hui. Certains ont écrit ne plus
pouvoir la prononcer. Nous les comprenons. Mais l’Église n’est pas sainte parce qu’elle serait
faite de saints uniquement ; en tout cas pas parce qu’elle le serait en sa hiérarchie. Elle est
sainte parce que, par elle, le Seigneur Jésus enfante à la sainteté les pécheurs que nous
sommes. La sainteté n’est pas la perfection morale, nous l’oublions trop souvent. Elle n’est
pas non plus un heureux équilibre des vertus naturelles et surnaturelles, traversé par un élan
spirituel. Le saint est celui qui apprend à reconnaître ses abîmes intérieurs et qui choisit de
s’en écarter par amour pour le Christ, le Fils bien-aimé venu jusqu’à nous. L’Église sainte
n’est pas la réunion des « gens bien » ; elle est la communion que tâchent de vivre des
pécheurs pardonnés, non pas amnistiés, non pas dispensés d’assumer leurs actes, mais
pardonnés et rendus forts par le pardon. Elle est le lieu de cristallisation de notre élan
spirituel, non pas d’abord une organisation religieuse qui nous permettrait de vivre à la
surface de notre âme, plutôt la communauté qui nous contraint à aller puiser en nous ce que
nous voulons vivre en vérité, faisant alors la douloureuse et salvifique expérience que nous
n’y parvenons pas tout seuls, ni jamais adéquatement, que nous avons besoin d’être rachetés
par le sang de l’Agneau sans tache, par le cri de son agonie et le silence du tombeau, avant
que puisse éclore la joie discrète d’abord et pure toujours de la résurrection. La communion
de l’Église ne résulte pas d’une harmonieuse organisation, elle résulte de l’engagement de
chacun de ses membres, tous ayant reçu « l’onction du Saint », du Saint-Esprit, dans le
combat spirituel, pour grandir dans la liberté avec les armes du Christ, et le repentir, la
reconnaissance libre de ses fautes et la demande de pardon, l’assomption des conséquences
des actes commis, est une de ces armes. La sainteté de l’Église n’est pas l’absence de péché
de ses membres mais la capacité de tout le Corps d’accompagner chaque membre dans ce
combat de lumière et de paix.