Dimanche 3 octobre 2021 – “Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas” – Homélie de Dominique Houssay

Il y a longtemps que nous avons appris qu’il nous fallait aller au-delà de la forme poétique de la première lecture pour en saisir le message. Ou plutôt les messages, car il y en a au moins deux : le premier c’est que la femme est l’égale de l’homme. L’un n’est pas la créature ou le “bien” de l’autre. Loin de signifier que la femme ne serait qu’une côte de l’homme, le texte veut nous dire que tous deux sont de la même humanité, tous les deux sont égaux en tout. Tous les 2 sont créés par Dieu et sont donnés par Dieu l’un à l’autre.

Le deuxième message est que tous les deux sont complémentaires. Ni l’un ni l’autre ne peut se suffire à lui-même et chacun à besoin de l’autre, si bien qu’il sont appelés à une communauté de vie. “Tous deux ne feront plus qu’un”, nous dit le texte. Non pas une fusion des corps, ni même des esprits. La fusion entraînerait la confusion. Non, il s’agit d’une unité dans la diversité et la complémentarité.

Cette égalité homme-femme, elle n’est pas encore acquises de nos jours, ni dans la société, ni dans l’Eglise. Elle était encore moins une réalité dans la société juive du temps de Jésus, où la femme était plus ou moins, pardonnez-moi l’expression, la “chose” de l’homme. On pouvait changer d’épouse … très facilement. Même que Moïse, voyant qu’il ne pouvait pas faire autrement, s’est vu contraint de légiférer à ce sujet en autorisant la séparation, à la condition d’établir un acte de répudiation, pour protéger la femme et lui permettre de se remarier. Et les pharisiens, qui n’étaient pas idiots, savaient bien qu’ils avaient le droit d’agir ainsi, mais c’est pour tendre un piège à Jésus qu’ils l’interrogent sur ce sujet. Ils avaient dû entendre dire que Jésus était, lui, pour la fidélité dans le couple. Et en le mettant en porte-à-faux avec la loi de Moïse, ils auraient pu l’accuser.

Mais Jésus ne contredit pas la loi de Moïse, il explique le pourquoi de cette loi avec laquelle il n’est pas d’accord, et en même temps il retourne la faute sur ceux-là même qui voulaient le piéger : “C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle”. Aussi, plutôt que de mettre Jésus dans l’embarras, les pharisiens lui donnent l’occasion de réaffirmer la beauté du mariage et l’idéal de la fidélité.

Oui, car il s’agit bien d’un idéal, atteint par une grande partie des couples, mais qui est difficile à tenir pour un nombre de plus en plus important.

Bien sûr que Dieu est pour la fidélité, lui qui a été fidèle à son peuple, à l’humanité, malgré les nombreuses infidélité de l’homme. Les livres de la Bible et notre histoire contemporaine en sont témoins. Fidèle jusqu’au bout, jusqu’à épouser notre condition humaine et donner sa vie pour nous sur la Croix. Alors quoi d’étonnant à ce qu’il nous demande d’être fidèles à notre tour pour ce qui touche à l’essentiel de nos vies.

Mais, me direz-vous, ces paroles sont dures à entendre pour ceux qui ont connu l’échec de leur première union et tentent de se reconstruire à travers une seconde. Mais, ne faisons pas dire à Jésus ce qu’il ne dit pas. Jésus donne une ligne de conduite :”Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas”. Et quand il parle d’adultère, il dresse simplement un constat, sans jugement ni condamnation. Il ne dit pas : “Ceux-là sont hors de l’amour de Dieu”. C’est l’Eglise, au cours des siècles qui, encore en 1917, dans le code de droit canonique, emploie des mots très durs envers les personnes divorcées et parle d’excommunication. On est bien loin de l’attitude de Jésus qui ne juge pas. Rappelons-nous lorsque des pharisiens lui amène une personne prise en flagrant délit d’adultère : “Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre”. Puis :”Personne ne t’a condamnée, moi non plus. Va, mais désormais ne pèche plus”. La logique de Jésus, ce n’est pas l’exclusion mais l’intégration, l’accueil, la miséricorde.

Ce n’est donc pas étonnant qu’il prenne soin des petits enfants et aussi de tous ceux qui sont exclus.

En ce qui concerne l’Eglise, heureusement, depuis 1917 un chemin important a été parcouru pour se rapprocher de la logique évangélique. A travers le concile Vatican II, puis à travers les enseignements des différents papes qui se sont succédés, prêtant une oreille attentive à la souffrance exprimée par les chrétiens blessés par la dureté de cette loi, eux qui désiraient se relever et continuer de faire partie de l’Eglise. Douleur aussi de nombreux prêtres contraints d’appliquer la règle, mais qui se demandaient pourquoi interdire les sacrements à ceux qui auraient eu un besoin pressant de cette nourriture et du pardon de Dieu.

Chemin qui nous qui nous amène, presque 100 ans plus tard, en mars 2016, à l’exhortation apostolique du Pape François, “La Joie de l’Amour”, à la suite des deux synodes sur la famille. “Il s’agit désormais pour l’Église d’accueillir et d’accompagner de façon inconditionnelle, de trouver un chemin de croissance et de permettre aux personnes d’apporter en retour ce que leur expérience humaine leur a donné de vivre et de découvrir”. Dans son exhortation, François écrit : “Il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde “imméritée, inconditionnelle et gratuite” Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Evangile”. Et au numéro 310 il dit : “Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. L’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile”.

Nous retrouvons là le bon parfum de l’Évangile qui ne porte pas de jugement ni de condamnation mais nous invite à vivre un idéal, celui de la fidélité, dans les meilleurs moments comme dans les moments difficiles. Idéal à mettre en œuvre également dans tous nos secteurs de vie, où il nous faut prendre soin de l’autre et faire un pas de plus dans l’amour, vers les plus fragiles et ceux qui sont exclus.