PREMIER DIMANCHE DE CAREME 2020

P VAST-AMOUR ADJOBI

Nous voici entrés dans ce temps de carême où en communauté nous essayerons de vivre ensemble notre conversion comme une famille solidaire de la terre. L’idée de conversion commence par reconnaître qu’il y a quelque chose d’abîmé en nous ou autour de nous à reconstruire. C’est la nature du péché de défigurer en nous et autour de nous ce qui, à l’origine, est riche et beau parce que créé par amour par Dieu : l’homme et son lieu de vie naturelle, la création. D’ailleurs c’est de la terre que Dieu tire l’homme pour le faire exister de son souffle de vie.

St François D’Assise dira alors que la terre est notre sœur et notre mère. Dieu a établi entre nous un lien de fraternité et a placé l’homme dans un jardin où rien n’était mauvais, même l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ou pour mieux dire, l’arbre du discernement entre faire le bien ou se détourner (prendre une autre voie, écouter une autre voix) du bien. Mais tentés par le serpent rusé qui leur propose d’être à l’égal de Dieu, Adam et Eve (le couple terre et vie) ont été animés de volonté de puissance alors ils ont désobéi à Dieu. La volonté de puissance est ce danger qui aveugle l’homme dans son discernement du bonheur : vouloir toujours plus et vouloir pour soi-même.

Nous retrouvons le même Tentateur dans le désert avec Jésus qui est solidaire de notre fragilité. Il est faible et il a faim au bout de 40 jours de jeûne. Pourquoi Jésus jeûne-t-il ? Parce que voulant faire la volonté de Dieu, le tentateur aussi est présent. « Jésus fût conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable ». Sinon il n’aurait pas besoin de jeûner. 40 Jours signifie le temps biblique de l’accomplissement. Jusqu’au bout le tentateur est présent. Par trois fois (ou par insistance), le diable propose à Jésus le pouvoir et la gloire au prix de l’infidélité à Dieu. Pour le conduire à pécher, il joue sur des situations qui semblent justifiées. Or nos raisons de péché peuvent être justifiées sans pour autant être justes : Tu as faim ? utilise ton pouvoir pour manger. Tu es enfant Dieu ? mets à l’épreuve sa bienveillance. Tu veux tout ? Tu peux tout avoir sans Dieu, par toi-même. Jésus résiste à ces tentations, non parce qu’il est Dieu, mais pare qu’il s’appuie sur la Parole de Dieu.

Justement c’est la parole de Dieu qui vient nous aider à réfléchir sur les tentations qui nous guettent : nos responsabilités, nos irresponsabilités ou nos inactions. Qu’est-ce qui crie souffrance autant en nous-mêmes, en l’autre et au sein de la création pour une conversion d’écologie intégrale dans ce temps de carême.

Déjà sommes-nous suffisamment informés que tout comme les fragilités humaines ont besoin d’être considérées, que la terre crie sa souffrance ? Quelle est notre part de responsabilité ou d’irresponsabilité ? Quelqu’un disait « il y a 35 ans j’interpellais sur certaines agressions de l’environnement mais à cette époque on ne le comprenait pas. Aujourd’hui nous y sommes ». On est empêché de bien voir peut-être au nom de ce que la destruction nous apporte de mieux à nous.

Les téléphones smartphones que nous utilisons ont des composantes micro-électroniques de métaux rares extraits en quantité exponentielle des sols en Chine et au Congo par exemple. A quel prix ? Mais çà, nous ne pouvons pas savoir comment nous les avons. Ce qui signifie que le pouvoir de la technologie nous fait du bien certes, mais peut aussi cacher les pauvretés véritables. Et que notre conception du bonheur passe d’abord par ce que nous désirons utiliser avant de discerner si ces besoins sont vraiment nécessaires ou servent à la solidarité universelle et environnementale.

Est-ce parce qu’on a les moyens qu’on peut tout se permettre ? Comment faisons-nous nos marchés et nos courses pour promouvoir les cultures saines et les petits commerces ? On a besoin de choses qui ne sont souvent pas si nécessaires. Est-ce que je ferme les lumières qui éclairent les lieux vides ? Est-ce que j’utilise juste l’eau nécessaire dont j’ai besoin pour prendre ma douche, cuisiner, faire mon café, laver mes dents, le linge, la vaisselle. Quel bénéfice y a-t-il à laisser branchés les appareils ou câbles électriques qui ne servent pas ? Suis-je capable de faire le jeûne des machines et de la technique afin d’économiser de l’énergie et gagner du temps de fraterniser avec d’autres ? Est-ce que je fais le ratio entre ma difficulté à prendre un temps de prière ou de lecture biblique et le temps que je prends à ne rien faire ou à tout faire tout le temps, à satisfaire des curiosités inutiles ou néfastes ? Où sont mes propres tentations de pouvoir ou de facilité ? Quels sont mes propres lieux de conversion humaine et écologique ?

La vie spirituelle est un combat permanent jusqu’au bout des efforts. Jeûner c’est se laisser satisfaire par Dieu plutôt que par nous-mêmes afin de mieux discerner le bien que nous avons à accomplir. Demandons au Seigneur cette force de privation qui nous aide à vraiment prier, partager et faire pénitence pour un fructueux temps de carême, Lui qui règne pour les siècles et des siècles. Amen !