Homélie du1er janvier 2023 – “Les bergers, premiers témoins” par Dominique, Diacre

“Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te
prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !”
Tel est le souhait inspiré par Dieu à Moïse et par lequel Aaron devait bénir le peuple d’Israël. Et ce
souhait, l’équipe de préparation de cette célébration le reprend à son compte pour vous offrir tous ses
meilleurs vœux pour l’année qui commence. Quel plus beau souhait pourrions-nous inventer ?
Puissions-nous, à notre tour, faire se propager, ruisseler cette bénédiction divine autour de nous pour
qu’elle atteigne toutes celles et tous ceux qu’il nous sera donner de croiser au cours de cette année
2023, et même ceux, les plus éloignés, que nous ne croiserons pas mais qui sont aussi les filles et fils
adoptifs du Père.
Car c’est bien de cela dont il s’agit pour l’apôtre Paul : Dieu, en envoyant parmi les hommes son
Fils Jésus, veut faire de nous ses filles et ses fils. Et même ses héritiers, dit Paul. Mais héritiers de

quoi : de son Amour bien sûr, dont nous sommes appelés à témoigner et qu’il nous demande de parta-
ger. Et encore plus inimaginable : Héritiers de sa vie divine, quand le jour sera venu. Et tout cela,

non pas à cause de nos mérites, mais par pure grâce de la part de Dieu. “C’est l’œuvre de Dieu”, dit
Paul.
Bien sûr nous sommes toujours invités à nous convertir, à nous tourner vers Dieu, mais le Livre
des Nombres nous dit que c’est Dieu qui a l’initiative. “Que le Seigneur te bénisse,… qu’il tourne vers
toi son visage, qu’il t’apporte la paix”. Avant même que nous nous tournions vers lui, Il s’est tourné
vers nous. Quand quelqu’un nous parle en regardant ailleurs, nous avons le sentiment de ne pas
compter beaucoup pour lui. Dieu, lui, si l’on en croit le livres des Nombres, quand il s’adresse à nous,
tourne vers nous son visage, il nous manifeste ainsi son réel intérêt à notre égard. A notre tour, quand

nous allons à la rencontre de nos sœurs et de nos frères, tournons vers eux notre visage, et ils senti-
ront que c’est de tout notre être que nous nous réjouissons avec eux ou que nous compatissons à leurs

difficultés, leur souffrance. Les regards qui se croisent sont porteurs de respect, de fraternité.
Tout comme les regards des bergers qui arrivent en hâte près de Marie, Joseph et l’enfant Jésus.
Ce sont eux les premiers témoins, les premiers bénéficiaires de la Bonne Nouvelle. “Aujourd’hui,
dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui
vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.” Ce ne
sont pas des spectateurs mais des témoins. Ils attestent que ce qu’ils voient est conforme à ce qui leur
avait été annoncé.
Les bergers, des gens mal considérés, mal payés sans doute, qui vivaient à l’écart des villes et des
villages, Ils passaient leurs journées et leurs nuits dans les champs, avec les animaux. Un métier pas
vraiment reconnu. Des hommes de la périphérie, tant sociale que religieuse. Mais ne fallait-il pas que
les premiers témoins de l’Incarnation, Dieu qui se fait homme, soient des gens d’une grande humilité.
Ce sont eux que Dieu choisit pour leur révéler son Fils et leur confier de transmettre l’annonce autour
d’eux. Les pauvres, en général, tiennent une grande place dans l’évangile de Luc. Jésus va vers eux en
priorité.

“Les pauvres m’ont évangélisé”,… une formule creuse ? Pas pour eux ! Ce sont bien eux qui an-
noncent, et non pas les chefs des prêtres, les scribes ou les pharisiens. Et moi-même je l’ai ressenti

très fort il y a une semaine : A la veillée de Noël, je n’étais pas avec vous car j’étais avec la commu-
nauté des personnes à la rue, au 6, rue de l’Hôtel-Dieu. Là, j’ai redécouvert sous un jour nouveau,

avec une oreille neuve, un cœur renouvelé, le passage du prophète Isaïe. Pourquoi ? Parce que celui
qui avait reçu la charge de proclamer cette lecture est un copain qui vit à la rue. Et je vous assure que
d’entendre de sa bouche ces paroles : “Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une
grande lumière; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendit”, et aussi “le joug
qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, tu les a brisés”. Je vous assure que cela n’a pas
résonné en moi de la même manière que quand c’est lu par la-ou-le meilleur d’entre vous. Le texte a
pris de la consistance, un immense poids d’humanité. Il s’est, lui aussi, incarné. Oui, les copains à la
rue m’évangélisent à leur manière en me faisant redécouvrir le message sous un jour nouveau. Et je
crois que Henri, Michelle, Isabelle et Stéphane, ainsi que ceux qui participent aux partages de
l'”évangile au bas des tours” pourraient eux aussi dire des choses semblables.

Parfois nous avons l’impression de connaître les textes par cœur, et nous pouvons être tentés de
penser que les autres n’ont plus rien à nous en apprendre. Surtout ceux qui peuvent paraître plus
démunis dans ce domaine, les bergers d’aujourd’hui.
Détrompons-nous. Ils ont beaucoup à nous apprendre. Sans rien renier de ce que nous avons

reçu, débarrassons-nous de nos certitudes et ouvrons grand notre cœur et nos oreilles pour accueil-
lir l’annonce d’une manière renouvelée.

A travers le visage des plus démunis, que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la Paix.