Quelques lignes pour partager ce que représente pour moi cet envoi en mission :
Accompagner les familles en deuil, c’est accompagner des vivants à un moment où ils sont, très souvent, déstabilisés par la mort. Ce moment est vécu comme une perte, une interrogation, une chute parfois.
De cette résonnance intérieure, propre à chacun, nous n’avons rien à expliquer : il s’agit d’être présent et d’écouter parler les vivants. S’il est trop difficile de dire quoi que ce soit pour les familles, alors nous tirons les fils de quelques questions simples pour amorcer le dialogue : qui était le défunt que l’on accompagne ? comment a-t-il accompagné ses proches de son vivant ? Qu’a-t-il dit, ou fait avec ses proches, dont ils feront mémoire ? Aucune vie n’est linéaire, ou parfaite. Ensemble, comme les pèlerins d’Emmaüs, nous refaisons le chemin de la transmission de cette vie, et nous construisons ensemble une cérémonie qui tentera d’apporter de la Paix de l’Espérance, et, quelquefois aussi de la Joie.
Cette rencontre est essentielle, elle est pétrie d’humanité mais elle parle, au-delà de nous, d’Amour d’Espérance et de Vérité. Le récit de vie est versé dans le creuset du rituel des funérailles lors de la cérémonie, et devient comme une parabole à la lumière de l’Evangile. Il m’arrive souvent de penser alors, bien que que je n’ai jamais rencontré le défunt : « j’aurais bien aimé connaître cette personne ».
Je crois que toutes ces personnes, les familles et leurs défunts, sont des messagers, des témoins. Ils sont l’un des visages du Christ, que je ne saurais sans doute pas reconnaître dans la vie ordinaire puisqu’il a pris les traits de l’humanité. Alors cela m’interroge, à chaque rencontre : Et si celui-là aussi, qui est devant moi, était le visage du Christ ? Combien de Vivants ai-je ignoré depuis que j’existe ?
Je vais terminer par un paragraphe d’Etienne Grieu, prêtre jésuite et théologien, qui m’a beaucoup frappé lorsque je l’ai lu avec un groupe de la Mission de France dimanche dernier, à propos de la « vie mêlée » :
« Si j’ai compris cela, alors, lorsque je me tiendrai à l’église, devant l’autel, ce qui s’y célèbre prendra un tout autre relief. L’eucharistie sera reçue comme le signe vivant d’un chemin rouvert là où l’on voyait surtout fermetures, tensions, nœuds et risques de violence.
L’ouverture à l’autre, spécialement celui qui est en souffrance, nous fait passer de la simple image de Dieu que nous sommes, du fait de notre création, à la ressemblance avec lui, c’est-à-dire un lien beaucoup plus intime, à une communion avec lui, par l’union à ses desseins et à sa manière d’être. C’est ainsi que nous revêtons le Christ ».